Les médias audiovisuels de flux, représentés par la télévision et la radio, sont en perte de vitesse. Face à eux, l’On demand est en plein développement : Netflix, Spotify et les podcasts séduisent de plus en plus. Et voilà qu’arrive un nouveau trublion : ClubHouse.
Depuis Second Life, c’est peut-être la première fois qu’un média social perce en alliant live et sérendipité. Le Linear On Demand est né.
Au milieu des années 2000, quelques happy-few voguaient dans un univers virtuel, découvrant de nouveaux mondes et interagissant en direct avec d’autres avatars. Second Life faisait alors la couverture médiatique, sans véritablement rencontrer le succès populaire qu’on lui prêtait. Les élections US et françaises avaient beaucoup contribué à cette médiatisation.
Univers virtuels et vocaux
On ne sera donc pas étonné qu’aujourd’hui, les journalistes et les politiques s’intéressent de près à ClubHouse. Ici, le monde virtuel n’est pas en 3D mais 100% audio. Les espaces de rencontre et de conversation ne sont pas des paysages ou des architectures copycat de la réalité, mais des « rooms » thématiques, parfois reliées à des « clubs » communautaires.
ClubHouse attire dans un contexte où le monde vit reclus face à la Covid et où l’isolement pousse les individus à se réfugier sur les plateformes digitales et sociales. Mais face aux algorithmes biaisés et à l’asynchronie de Tik Tok, Instagram ou Facebook ou face à l’étanchéité des messageries comme Whatsapp, où il reste difficile d’étendre son réseau, ClubHouse apporte de nouvelles perspectives.
Comparé à Twitter ou à LinkedIn pour sa facilité à nouer des contacts tant avec des inconnus qu’avec des personnalités, ClubHouse est à la fois une plateforme de podcasts, puisque l’on choisit ses rooms audio à la demande parmi une multitude de thématiques, et une plateforme de flux, puisque les échanges sont en direct et ne sont pas destinés à être rediffusés ou multidiffusés.
Le Linear On demand ?
C’est là que je souhaite introduire la notion de Lodcast, contraction de Linear et Podcast. ClubHouse permet à toute personne ou représentant d’une institution de fédérer des communautés autour de conversations.
« Conversation ». Le mot est lâché. Maintes fois utilisé par les communicants il y a une quinzaine d’années pour définir les médias sociaux, on l’avait un peu perdu de vue ces derniers temps. Car le mode de communication descendant avait repris le dessus sur le « social », la majorité des marques préférant rester dans l’univers qu’elle maîtrisent le mieux.
Cependant, par sa nature favorisant l’affichage de l’ego, ClubHouse séduit les personnalités plus que les marques. Elon Musk, Xavier Niel, Marc Simoncini, Jamel Debouze, MC Hammer ou Alexia Laroche-Joubert se sont soumis à l’exercice de l’interview, face à un public heureux de pouvoir « approcher » et interagir avec ces célébrités.
Malgré tout, quelques startups y ont détecté un intérêt marketing. Parmi lesquelles, Feed. Le fabricant de substituts de repas participe à de nombreuses rooms orientées business ou développement personnel, dans l’optique de marquer les esprits et d’accroître sa notoriété auprès des entrepreneurs et autres startups. La stratégie semble fonctionner. Certaines rooms n’hésitant pas à débattre autour de cette surexposition, parfois avec humour. Ainsi, s’amusant de l’omniprésence de cette marque, une room « second degré » est apparue sous le titre : « Faut-il manger du Feed pour trouver un emploi ? »
Les marques ont-elles leur place sur ClubHouse ?
Les marques ont-elles vraiment intérêt à participer à ce nouveau média social ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? S’il est trop tôt pour le dire, force est de constater que la présence de personnalités incarnant leur entreprise – comme celles citées précédemment – démontre qu’il y a au moins un effet de curiosité. Mieux, en France, la radio Europe 1, sous l’impulsion de son social media manager, a investi ClubHouse avec l’aide de certains de ses journalistes.
Dans le domaine artistique, les humoristes du Comedy Club ont compris tout l’intérêt de se rapprocher de leur audience… Cette nouvelle proximité et cette possibilité d’interagir réellement avec sa communauté pourraient très bien faire renaître la fonction même de community manager. Car à mesure qu’Instagram, Snapchat ou Tik Tok montent en puissance, le community management originel décline face au content management et aux créateurs-influenceurs…
La renaissance du community manager ?
Les marques avaient petit à petit oublié l’essence même des médias sociaux : créer une communauté, l’animer, s’en rapprocher, l’écouter et entrer en conversation. Pourtant, ce lien, elles doivent plus que jamais le tisser avec leurs clients, à l’heure où les consommateurs ont besoin d’humanité, de proximité, de transparence et de vérité.
Instagram et Twitter semblent avoir senti ce besoin, en faisant évoluer leurs plateformes. Les nouvelles fonctionnalités lancées ou annoncées, comme Spaces ou Live Rooms, visent à faciliter les interactions avec les followers dans une atmosphère bienveillante, grâce à une meilleure gestion des trolls et du cyberbashing.